Chapitre 12

 

Il était près de 2 heures du matin et l’on avait dépassé depuis longtemps les horaires de bureau des nécros. Il était temps de rendre à Savannah une visite trop longtemps retardée. J’apparus à Portland où je la trouvai endormie. J’entendais Paige et Lucas discuter en bas d’une nouvelle affaire, quelque tort à réparer. Et si l’on m’avait jamais dit que je m’apprêtais à faire de même, je me serais pissé dessus de rire.

Je m’attardai une minute de plus, assise près de ma fille, où me parvenaient des bribes du débat exalté du rez-de-chaussée. Puis j’embrassai Savannah sur le front et partis.

Ma première impulsion me dictait d’aller à la recherche de Kristof pour connaître son point de vue sur tout ce qui s’était passé. Mais si je devais me servir de lui, même pour tester simplement mes idées, je devais faire quelque chose pour lui en échange… même si je ne pouvais pas lui parler de ce service-là. J’étais passée voir un de ses enfants. À présent, il était temps d’aller voir les deux autres…

Kristof se limitait à une visite parentale par mois. Il trouvait que ça valait mieux comme ça. Je n’étais pas de son avis, bien entendu, mais je tâchais de le comprendre et, en attendant, j’allais les voir plus fréquemment à sa place.

Bryce, le benjamin de Kris, se trouvait en Californie où il dormait dans la villa de son grand-père. Il aurait dû se trouver à la fac, mais il avait arrêté le trimestre précédent. La mort de Kristof… eh bien, elle avait naturellement affecté ses deux fils, mais de différentes façons ; peut-être à l’opposé de ce qu’on aurait pu attendre. Bryce avait toujours été le plus difficile, celui qui avait commencé à repousser Kristof bien avant le grand fossé de l’adolescence. Kris avait respecté la rébellion de Bryce et pris du recul tout en restant proche, toujours présent pour le rattraper quand il trébuchait.

À la mort de Kris, Bryce était en première année de fac où il étudiait la musique, ayant déclaré qu’il n’avait aucune intention de suivre son père dans une vie de dirigeant des Cabales. Après la mort de Kris, Bryce avait quitté l’école et décidé de travailler à temps partiel pour la Cabale. Il était à présent vice-président associé, vivait avec son grand-père – le directeur général – et prévoyait de retourner à la fac à l’automne, non plus pour étudier la musique à Berkeley mais les sciences politiques à Harvard, suivies d’une fac de droit – le chemin même qu’avait emprunté Kris.

 

Je me dirigeai ensuite vers New York, où Sean terminait son mastère de gestion. Il partageait un appartement avec son cousin Austin mais seul ce dernier s’y trouvait, en train de regarder CNN. Je m’apprêtais à partir quand le bouton de porte tourna, si lentement que je crus l’avoir imaginé. La porte s’entrouvrit et Sean jeta un coup d’œil à travers.

La vue de Sean me faisait toujours sourire. Il me rappelait tellement Kris à l’époque de notre rencontre : grand, mince, large d’épaules, avec d’épais cheveux blonds et de splendides yeux bleus. Kris avait perdu cette sveltesse et à peu près la moitié de ces cheveux, mais la ressemblance restait frappante. De personnalité, Sean et son père n’auraient pas pu différer davantage, mais Sean partageait les valeurs de son père. C’était le seul Nast qui ait fait le moindre effort pour contacter Savannah – et il était même devenu partie intégrante de sa vie, malgré la désapprobation de son grand-père. Ce qui rendait Kristof plus fier que Sean n’aurait pu l’imaginer.

Quand ce dernier ouvrit la porte, il vit la lumière dans le salon et grimaça. Il passait devant l’entrée du salon sur la pointe des pieds quand Austin se retourna.

— Hé, Casanova, lui lança Austin. Je croyais que tu étudiais ce soir. La bibliothèque ferme à 23 heures.

— Je suis sorti prendre deux ou trois verres.

Austin se pencha par-dessus le dossier du canapé avec un sourire.

— Deux ou trois, hein ? Elles s’appellent comment ?

Sean marmonna quelques mots et se faufila vers la salle de bains. Austin traversa la cuisine à toute allure pour lui barrer la route.

— Oh, allez. Avant, tu me racontais tout. Qu’est-ce qui s’est passé ? Tu as rencontré quelqu’un de spécial ? C’est ce que pense grand-père. Il a appelé ce soir et quand je lui ai dit que tu étais sorti, il m’a dit de te demander de la ramener à la maison le mois prochain.

Une lueur de panique traversa le regard de Sean, mais il l’éteignit vite et haussa les épaules en s’éloignant d’Austin.

Sean avait bel et bien rencontré quelqu’un… et il ne ramènerait jamais cette personne pour la présenter à la famille. Pour un fils des Cabales, il n’y avait qu’une seule chose qui soit pire que ramener une sorcière : ramener un partenaire qui ne pourrait jamais produire l’héritier si essentiel.

Même adolescent, Sean ne s’était jamais caché qu’il considérait son père comme un modèle et faisait tout ce qu’il pensait que voulait Kris, pas parce que Kris l’exigeait ou le demandait, mais parce que Sean était ce genre de brave gamin soucieux de faire plaisir. Il s’était montré prêt à suivre l’exemple de Kris, à se marier par devoir et à produire cet héritier si capital ainsi que la pièce de rechange. Mais à la mort de Kris, Sean avait perdu toute raison de lutter contre sa nature. Pourtant, il la cachait toujours, n’étant pas encore prêt à s’engager ainsi au risque d’être ostracisé par le reste de sa famille.

Mais le jour viendrait où il franchirait cette étape et il aurait alors besoin d’aide. Celle de son père. Raison supplémentaire pour que je trouve un moyen que nous contactions le monde des vivants. Je devais cette faveur à Kris.

 

Maintenant, j’avais enfin mérité un peu de temps avec Kristof.

Je le trouvai sur son bateau. Il lisait dans le lit étroit de sa cabine. À en juger par les lunettes perchées au milieu de l’arête de son nez, je devinai qu’il était plongé dans quelque chose de plus sérieux que des comics. Bien entendu, Kris n’avait pas besoin de lunettes ; toutes nos infirmités physiques sont guéries après notre mort. Mais il avait commencé à porter des lunettes pour lire une dizaine d’années avant sa mort, si bien qu’il avait gardé l’habitude de les chausser pour lire. Comme manger, dormir ou même faire l’amour, il y a des choses que nous continuons à faire en tant que fantômes bien après qu’elles ont cessé d’être nécessaires.

Je m’attardai un moment sur le pas de la porte pour le regarder étendu sur son lit, pantalon retiré, chemise déboutonnée, chaussettes toujours en place, comme s’il avait commencé à se déshabiller, puis s’était laissé distraire par sa lecture et avait oublié de terminer.

Je lançai un sort brouilleur pour m’approcher furtivement de lui. Quand j’atteignis le bout du lit, je distinguai le titre de son livre : Folklore traditionnel allemand. Je n’hésitai qu’un bref instant avant de bondir. Kris roula sur le côté. Je m’affalai sur le lit et mordis l’oreiller.

— Tu m’avais vue, hein ? demandai-je en levant la tête.

— Dès l’instant où tu as franchi la porte.

— Merde. (Je me redressai et m’assis au bord du lit.) Tu te documentes sur les nixes ?

— J’ai eu envie de combler mes propres lacunes, et peut-être de te donner un coup de main en même temps.

— Ce n’était pas nécessaire…

Il leva la main pour m’empêcher de protester davantage, mais je le pris de vitesse et posai les doigts sur ses lèvres.

— J’allais dire : « Ce n’était pas nécessaire… mais merci. » Alors, qu’est-ce que tu as appris ?

Il me confirma que les nixes, comme toutes les formes de cacodémons, se nourrissent du chaos. « Se nourrissent » n’est peut-être pas le terme approprié, car il impliquerait qu’elles en aient besoin pour survivre. Pour des cacodémons, le chaos est l’équivalent des drogues ou de l’alcool. Il les grise, au point qu’ils le recherchent à la moindre occasion. Certains en sont accros mais ça reste, pour la plupart, un luxe qu’ils s’accordent avec modération.

Il découvrit aussi que les nixes possèdent quelques pouvoirs communs à tous les démons. Premièrement, elles peuvent se téléporter. Deuxièmement, comme la plupart des démons, elles possèdent une force surhumaine. Compte tenu de ce que m’avaient dit les Parques, j’étais certaine que la nixe pouvait toujours se téléporter. Quant à la force surhumaine… Je l’ajoutai en bonne place sur ma liste de sujets à aborder avec elles.

— Génial, dis-je en me penchant sur lui. Je te dois une faveur.

— Et tu pourras t’en acquitter en satisfaisant ma curiosité. Qu’est-ce qui s’est passé après l’hôpital ?

J’en étais encore à la partie sur ma bagarre épique avec Janah quand il éclata de rire.

— Les Roustes du paradis ? dit-il.

— Ravie que ça t’amuse. La prochaine fois, c’est toi qui seras de corvée de ramassage d’épée.

Il sourit.

— Et je soupçonne que Janah, la prochaine fois, ce seront ses dents qu’elle va ramasser. Je t’avoue que je t’envie. J’ai toujours été curieux au sujet des anges.

— Eh bien, si tu continues à m’aider, tu vas sans doute en rencontrer un toi-même. Mais ce ne sera peut-être pas ce que tu attends.

Je lui parlai de Trsiel. Il haussa les sourcils.

— D’après ce que j’ai entendu dire, ils sont généralement plus… éthérés, dit-il.

— Peut-être qu’il accentue son côté humain à mon intention.

Je regardai à travers la pièce. Pendant que je lui parlais de l’affaire, l’aube avait cédé la place au jour. Je conclus mon histoire, puis promis de revenir le tenir au courant dès que possible.

 

Je trouvai Jaime dans son appartement, où elle s’était réveillée plus tôt que je m’y attendais. Elle était assise dans son salon, devant la télé, en train de pratiquer les exercices d’une cassette de la méthode de gym Pilates. Elle se tenait en équilibre sur les fesses, jambes relevées et croisées au niveau des chevilles.

— Oh punaise, commentai-je. Je suis morte depuis trois ans et ces conneries existent encore ?

Jaime bascula en arrière, les jambes toujours nouées dans une position qui paraissait sacrément inconfortable. Elle leva les yeux vers moi en les plissant.

— Ce qui me fait penser, dis-je. J’ai oublié de vous demander un truc hier.

— Comment approcher d’un nécro sans lui foutre une trouille bleue ?

— Heu, oui. (Je m’assis sur le bras du canapé tandis qu’elle décroisait ses jambes.) Ça paraît peut-être évident, mais ce n’est pas le cas. Je ne peux pas téléphoner d’abord. Ni frapper à la porte. Je ne peux même pas marcher bruyamment. Je pourrais chanter… non, ce serait flippant aussi. Que diriez-vous d’une de ces toux discrètes, comme pour s’éclaircir la voix ? J’en entends tout le temps parler dans les livres mais je n’ai jamais essayé.

— Contentez-vous de faire du bruit. N’importe lequel. Et de préférence pas juste à côté de mes oreilles.

— J’ai toujours préféré l’élément de surprise, mais je vais tenter le coup. (Je me dirigeai vers la télé et grimaçai en regardant l’écran.) Je n’arrive pas à croire que ce truc passe toujours. Ça ne vous endort pas ?

— Ça me détend. Ça m’aide à évacuer la tension.

— Le kick-boxing aussi. Et c’est plus utile. Qu’est-ce que ça vous apporte… à part l’ennui ?

Ses yeux se réduisirent à des fentes, comme si elle cherchait à déterminer si je me moquais d’elle. Quand elle eut décidé que non, elle se détendit et haussa les épaules.

— C’est bon pour le tonus.

— Le kick-boxing aussi. Et c’est vachement plus pratique. Si un type vous saute dessus dans une ruelle, qu’est-ce que vous faites ? Vous prenez la position du lotus ?

— La position du lotus, ce n’est pas la méthode Pilates. C’est… (Elle secoua la tête, puis éteignit la cassette et s’empara de sa bouteille d’eau.) Vous me voulez quoi, Eve ? Je suppose que vous n’êtes pas venue jouer les entraîneurs ?

— Je cherche des informations pour la prochaine étape de ma quête. J’ai besoin de trouver la dernière partenaire de la nixe.

Jaime hocha lentement la tête.

— D’accord. Je suppose qu’elle est morte ?

— Sans doute pas. Cette fois, j’ai besoin de vos mains, pas de votre savoir-faire de nécro. On manque sérieusement de fournisseurs d’accès Internet dans le monde des esprits.

— Donc, vous avez besoin que je fasse des recherches et que je trouve un suspect…

Je secouai la tête.

— Simplement que vous fassiez des recherches et que vous m’imprimiez les infos que vous trouverez, selon les critères que je vais vous donner. Comme ça, on sera quittes par rapport à l’extermination du hanteur d’hier. Ensuite, on réfléchira à un moyen de paiement au fur et à mesure.

— Vous n’êtes pas obligée de me dédommager pour ce genre de choses. Considérez que j’accumule des points de karma.

— Nan nan. Payer au fur et à mesure, c’est ma façon de procéder.

Jaime m’étudia un moment, puis hocha la tête.

— D’accord. Donc, qu’est-ce que vous allez faire de cette dernière partenaire ? L’obliger à vous parler de la nixe ?

Je me glissai sur les coussins du canapé.

— C’est un peu plus mystique que ça. Ses hôtes sont toujours liées à elle. Elles voient des images d’elle, de ce qu’elle fait, ce genre de choses. Ensuite, ces images peuvent m’être transmises par un ange.

Elle s’arrêta de boire son eau, à mi-gorgée, et fronça les sourcils.

— Un quoi ?

— Ouais, j’ai répondu la même chose. Les démons, je comprends. Mais les anges ?

— Je suis en train de vous perdre, dit Jaime en fronçant davantage les sourcils. Saloperie de censure cosmique.

Je me tortillai pour la regarder tandis qu’elle rebouchait sa bouteille.

— C’est comme ça que je l’appelle, précisa-t-elle. Il y a des choses dont les fantômes ne sont pas censés parler, alors je perçois juste des mots ici et là, comme une transmission radio interrompue.

— Ah oui, d’accord. Les nécros ne peuvent pas nous interroger sur l’au-delà. J’imagine que les anges enfreignent cette limite-là aussi.

— Je suis de nouveau en train de vous perdre.

Elle ôta son débardeur pour mettre du déodorant.

— Et si je l’épelle ?

Elle le renfila.

— Je n’ai jamais essayé. Mais ça pourrait vous attirer des ennuis.

— Ce ne serait pas nouveau.

Elle sourit.

— Alors allez-y.

— A-n-g-e.

— Nan. Pas une seule lettre.

— Des charades, ça vous dit ?

Je me levai et mimai des anges et une auréole.

— Oh, c’est bizarre, dit Jaime. Vous avez carrément disparu.

— La vache, ils sont doués.

Elle gloussa de rire.

— Si seulement mon filtre à spams était aussi efficace.

— Enfin bref, ce n’est pas important. À propos d’e-mails, il va nous falloir un ordinateur. (Je balayai la pièce du regard.) Je suppose que vous en avez un.

— Oui. Il y a juste un problème. (Elle consulta sa montre.) J’ai un spectacle à Milwaukee ce soir et je dois passer par la salle, raison pour laquelle je me suis levée aux aurores. Mais j’ai l’après-midi libre, donc si vous pouvez me suivre, ou me retrouver là-bas…

— Il vaut mieux que je vous accompagne. Il y a moins de risques que je vous perde. (Et que Jaime change d’avis.) On peut trouver un cybercafé. En règle générale, il y a un accès libre dans les bibliothèques, mais il vaut mieux éviter qu’on vous voie faire ce genre de recherches là-bas.

Elle enfila son jean.

— Les médiums connus sur un plan international… d’accord, national, peuvent justifier ce genre de choses. Si on me prend à faire des recherches sur des meurtres, les gens vont supposer que je suis en train de bosser. (Elle passa les doigts dans ses cheveux.) Le problème, c’est qu’ils vont aussi supposer que ça peut valoir la peine d’être publié. Si la mauvaise personne me surprend en train de me renseigner sur des meurtres, ça va faire la une de tous les tabloïds la semaine prochaine. Ensuite, mon téléphone ne va plus s’arrêter de sonner, et ce seront des gens qui voudront que je commence à enquêter sur l’assassinat d’un de leurs proches.

— Et vous en avez déjà bien assez comme ça.

Elle s’affaira avec le bouton de son jean, regard baissé, et répondit d’un hochement de tête abrupt.

— Je crois qu’on peut faire une partie des recherches sans Internet. (Elle farfouilla dans son sac et en tira un téléphone portable.) J’ai un lien direct avec une journaliste discrète.

Je fournis à Jaime ma liste de critères. Elle la nota, puis passa son coup de fil. J’attendis sur le canapé. Bien qu’étant trop loin pour entendre quelqu’un répondre à l’autre bout, je devinai que ça venait de se produire en voyant l’expression de Jaime – à mi-chemin entre ravissement et terreur abjecte.

— Ah, heu, Je… Jeremy, balbutia-t-elle. C’est moi… Jaime. Jaime Vegas, du… (Petit rire gêné.) Voilà. Enfin je voulais m’en assurer, au cas où vous n’auriez pas reconnu ma voix – enfin, pas que je m’attende à ce que vous la reconnaissiez, mais vous connaissez peut-être d’autres Jaime… ou vous pourriez avoir oublié qui je suis depuis la réunion du conseil, heu… enfin c’était à peine le mois dernier, hein ?

Dès l’instant où Jaime parla de « conseil », associé au nom « Jeremy », je compris à qui elle s’adressait. Jeremy Danvers, l’Alpha de la Meute des loups-garous. Je ne l’avais jamais rencontré. Je n’avais même entendu parler de lui qu’après ma mort. Désormais, Savannah passait une partie de plus en plus grande de ses vacances d’été à traîner avec la Meute, si bien que j’en étais venue à connaître tous les protagonistes. Jeremy était aussi éloigné que possible de l’archétype de la brute loup-garou. Non seulement il acceptait d’avoir constamment ma gamine dans les pattes, mais il lui prêtait attention, l’écoutait toujours parler de ses problèmes et l’aidait à perfectionner son dessin. Savannah l’adorait. Et à en juger par le spectacle crispant auquel j’assistais en ce moment même, elle n’était pas la seule.

— Oui, donc, bref, j’appelais pour joindre Elena, parvint enfin à articuler Jaime. Elle est là ?

Légère pause.

— Ah, hum, oui, j’ai son numéro de portable et je pourrais l’appeler, mais… (Rire nerveux.) Enfin si elle est sortie avec Clayton, ça peut attendre. Enfin il vaut mieux que ça attende. Ce n’est pas qu’il soit… Enfin, vous voyez…

Une pause, puis un rire haut perché. Jaime ferma les yeux et articula une obscénité en silence. La seule chose qui soit pire que de se comporter comme une idiote, c’est de s’entendre le faire sans pouvoir s’arrêter.

— Donc je ferais mieux de ne pas les déranger si je veux rester en bons termes avec lui – enfin, à supposer que je le sois, ce qui est difficile à dire, évidemment, mais j’imagine que tant qu’il ne me prête pas beaucoup d’attention, d’une manière ou d’une autre, ce n’est pas plus mal. (Elle inspira profondément et ferma les yeux en grimaçant.) Enfin bref, je vous libère et j’appellerai Elena plus tard. Je voulais simplement qu’elle se renseigne pour moi…

Pause.

— Non, des affaires passées. Enfin, d’un passé récent. Des meurtres. Pas le genre de choses que vous devez lire, bien entendu…

Nouvelle pause. Nouveau rire hérissant.

— Ah oui, bien sûr. C’est pile le genre de choses que vous lisez. Histoire de garder l’œil ouvert pour ne pas rater ces meurtres sanguinaires commis par des loups-garous… enfin, pas que tous les loups-garous soient sanguinaires ou, heu… (Profonde inspiration.) Je vous explique tout.

Moins de dix minutes plus tard, elle obtenait une pleine page détaillant des affaires criminelles, citant parfois des noms, mais la plupart du temps simplement des lieux ou des détails qui faciliteraient considérablement les recherches.

— Waouh, dit-elle. Vous êtes génial… enfin, je veux dire, vous avez une mémoire géniale. Pas que vous ne soyez pas… Tiens, on frappe à ma porte. Merci beaucoup. Je vous suis vraiment reconnaissante. Vraiment…

Elle grimaça et je la vis littéralement se mordre la langue. Elle s’empressa de raccrocher puis s’affaissa en avant, marmonnant à mi-voix.

— Vous devriez lui demander de sortir avec vous, dis-je.

Elle secoua vivement la tête.

— Pas question.

— Par pitié, ne me dites pas que vous considérez que c’est aux mecs de faire le premier pas. C’est tellement…

— Croyez-moi, je n’ai aucun problème à prendre l’initiative. C’est juste que lui… Jeremy… ce n’est pas le genre de type qu’on va voir pour lui dire : « Tiens, si on allait prendre une bière ? »

Elle avait dû y réfléchir, à voir l’éclat terrifié qui traversa son regard. Elle tendit la main vers ses cheveux, en retira sa pince et entoura sa main de ses cheveux tout en marchant vers le miroir. Il n’y a rien de plus douloureux qu’avoir le béguin. Je me rappelais mon dernier. Greg Madison. De profondes fossettes et un rire qui faisait papillonner mon cœur. Oh la vache, comme ç’avait été douloureux ! Évidemment, j’avais quatorze ans à l’époque, pas quarante. Cela dit, je suppose que l’amour obsessionnel reste le même quel que soit l’âge, et que c’est peut-être même pire quand on est assez âgé pour en reconnaître les symptômes et avoir honte de sa réaction sans pouvoir y remédier.

Femmes De L'autremonde, Tome 5
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